Début mai, j’ai travaillé pendant trois semaines avec le chorégraphe Hannes Langolf, qui est maintenant mon mentor pour l'été et qui me guide dans l’exploration de ma question de recherche.
C’est un chorégraphe assez incroyable.
Et si vous voulez voir ce qu’on a fait ensemble, je vous mets un extrait d’une sorte de pièce de théâtre dansée dans le spectacle à la fin des trois semaines de travail ensemble.
Dans cet email, j’ai envie de partager avec vous les six points principaux que j’ai retenus de mon travail avec lui, sortis tout droit de mon journal quotidien.
Je pense que ces points vont vous intéresser, que vous soyez danseur ou pas, car on parle plutôt de performance et de création plutôt que de danse pure.
1. L’authenticité ne se joue pas, elle se vit
Hannes m’a dit quelque chose qui m’a marqué : “Pour paraître authentique, il ne suffit pas de montrer une émotion, il faut vivre l’expérience soi-même.”
Ne pas jouer la tristesse mais être réellement affecté.
Vivre la tristesse devant les gens, tout en gardant une connexion avec le public.
Permettre au public de nous accompagner dans cette expérience plutôt que de leur présenter quelque chose de pré-conçu.
C’est un shift mental énorme : passer du “faire semblant” au “vivre vraiment”.
2. L’ancrage comme fondation de tout
Il m’a parlé de l’ancrage avec une métaphore magnifique : “Être comme une bouteille d’eau.”
Relâcher chevilles, genoux, hanches pour “laisser passer l’eau”, comme si notre présence venait du sol.
Ce relâchement sous le sol nous permet de rester disponible pour l’interprétation et pour se laisser affecter, sans tomber dans le “il faut faire”.
Sur scène, il faut toujours partir de cet espace des racines pour parler, en gardant cet ancrage.
3. La formule magique : Tension → Intention → Attention
Hannes m’a révélé quelque chose de puissant sur l’attention du public.
Pour capter l’attention du public, il faut d’abord avoir de l’intention en soi.
Et l’intention naît de la tension interne.
Être en tension avec quelque chose : ton paysage interne, le public, le décor, un autre danseur.
Cette tension crée de l’intention, qui attire l’attention du public.
Sans tension, pas d’intention. Sans intention, pas d’attention.
4. L’écoute spécifique du mouvement
Au lieu de simplement “bouger la tête”, Hannes m’a appris à me demander : quelle partie bouge exactement ?
La mâchoire ? Le haut du crâne ? L’oreille ?
Cette spécificité dans l’écoute ouvre un monde de possibilités de mouvement complètement différentes.
Ralentir, revenir dans l’écoute du corps pour explorer de nouvelles nuances.
C’est comme passer d’un pinceau large à un pinceau de précision.
5. Le verbatim pour toucher juste
Il m’a parlé de l’utilisation de textes existants (“verbatim”) sur scène.
Un moyen authentique de créer du sens et d’impacter le public.
Il critique certaines œuvres qui semblent aborder un thème important (comme l’immigration) mais n’en transmettent aucun ressenti parce que ce n’est pas rattaché à des histoires réelles.
Le verbatim permet de toucher profondément les gens et de faire évoluer les mentalités.
C’est un des rôles importants de l’art.
6. L’énergie communicative de l’échauffement
Ce qui m’a frappé chez Hannes, c’est son énergie pendant les échauffements.
Musique motivante, conseils donnés en continu : “Believe it. Own it. Go in your roots. Go deeper. Make it useful for you.”
Il mélange yoga et autres pratiques selon son humeur, environ 5-6 séquences différents.
Et surtout : il adapte ses échauffements chaque jour.
Pas de routine figée, toujours en mouvement, toujours en recherche.
Le processus créatif d’Hannes
Ce qui ressort de tout ça, c’est sa vision du processus créatif.
Il le perçoit comme chaotique par nature.
Il a besoin de créer en groupe, d’interagir et de tester avec d’autres personnes.
Il privilégie les studios créatifs non aseptisés, qui permettent l’expérimentation et la différence.
Et il utilise la contrainte comme moteur pour éviter la répétition et sortir de sa zone de confort.
Conclusion
Ces enseignements d’Hannes m’ont rappelé que la performance authentique n’est pas une technique qu’on apprend.
C’est un état d’être qu’on cultive.
Un état où l’ancrage rencontre la vulnérabilité, où la tension devient intention, où l’écoute se fait précise.
Et vous, quels sont les enseignements qui ont révolutionné votre pratique artistique ?
Belle journée, Eliott.