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Ce que être habillé en Teletubbies pendant une journée m’a appris

Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de ce que le fait d’être habillé en Teletubbies pendant une journée m’a appris.

Commençons par le contexte.

Dans le cadre de mon master en danse contemporaine que je fais cette année à Londres, on a l’occasion de travailler avec beaucoup de chorégraphes professionnels sur différents projets.

On joue régulièrement sur scène, on a fait des performances de 4 heures, on a déjà tourné des clips.

Et là, le projet que j’ai fait pendant deux semaines d’affilée, c’est un projet d’un chorégraphe qui s’appelle ​Benjamin Jonsson​, qui avait pour finalité de créer un clip.

En effet, Benjamin Jonsson, c’est un chorégraphe qu’on dit commercial, c’est-à-dire qu’il chorégraphie du mouvement pour que ça rende bien à la caméra et qu’on puisse vendre ce genre de chorégraphie à des marques, qui pourront l’acheter pour des pubs ou des clips.

C’est un style très visible, fait pour Instagram, où il n’y a pas vraiment de recherche artistique intégrée. C’est vraiment une commande avec une réponse en face.

Deux semaines horribles

Ça a été, pour être tout à fait honnête avec vous, deux semaines horribles où j’ai frôlé la semi-dépression.

Pourquoi ?

Parce que j’arrivais tous les matins, et j’étais perdu, parce que je ne savais pas quel était le but de ce qu’on faisait.

En fait, une journée de répétition, on arrive à 10 heures, déjà échauffé, et on termine à 18 heures. Donc pendant 8 heures de danse, on répète des chorégraphies pour les peaufiner.

Il faut vous imaginer que ce sont des chorégraphies assez physiques, qu’on répète peut-être 30 fois d’affilée, pour peaufiner la micro-position d’une main quand on se relève, ou bien l’orientation au degré près pour tout le monde, pour que ça rende bien à la caméra.

Ou bien si on part sur le compte 7 ou sur le compte 7e.

C’est ultra minutieux et finalement ça casse le corps, ça donne des courbatures de ouf, et ça fatigue énormément.

Dans ce cadre de création-là, les danseurs sont vraiment pris pour des robots, de la chair à canon, qui doivent simplement exécuter sur un rythme effréné.

L’absence de sens

Et donc, moi, dès que j’allais en cours, je n’appréciais pas les journées, parce qu’à aucun moment on ne se demande comment est-ce qu’on permet aux gens qui regardent la vidéo d’évoluer, aux danseurs d’évoluer, de progresser, aux chorégraphes de progresser.

Non, tout le monde est simplement là en train d’exécuter un truc pour gagner de l’argent.

Ce n’est pas de l’art en fait, c’est de la gymnastique, presque.

Et ensuite je ne comprenais pas pourquoi on faisait ça, parce que le chorégraphe est arrivé le premier jour, et il nous a dit : “oui, alors, moi ma chorégraphie c’est à propos de comment les médias nous manipulent, enfin je veux dire, que les gens ont des agendas cachés, et en fait que le libre arbitre est menacé, et ouais en fait je ne suis pas clair, allez dansons.”

Et en fait, on ne sait toujours pas pourquoi on danse, il n’y a pas de sens derrière la chorégraphie, il n’y a pas de sens derrière le projet, il n’y a pas de sens derrière ce qu’on fait.

Et donc moi, qui ai besoin de toujours avoir un rattachement très fort au sens et aux valeurs et à la progression, j’étais complètement perdu.

La journée de tournage

Et la journée de tournage, c’est donc une journée qui commence à 7h le matin, au studio, échauffé, et qui termine à 21h, c’est une journée extrêmement intense.

Et pendant cette journée, il y avait genre 4 stylistes, et 8 maquilleurs qui étaient là pour préparer les 30 danseurs, il y avait une vingtaine de personnes qui travaillaient sur le set, caméra, éclairage, son, tous les départements étaient présents.

Et ensuite, on nous faisait simplement attendre sur le côté, dans le froid, et on nous appelait pour répéter, répéter, répéter les mouvements dès qu’il y avait besoin de nous.

C’était honnêtement une bonne expérience, d’être dans un set de tournage, une black box, comme dans lesquelles on tourne les films et les clips traditionnellement.

Je n’y avais jamais été, et un studio d’enregistrement vidéo professionnel, c’est toujours très impressionnant. Énorme hauteur sous plafond, dimension vraiment énorme.

Et c’était génial de voir la puissance de l’organisation extraordinaire avec les stylistes, les maquilleurs, etc. Chaque département a une excellence à produire pour que le résultat soit bon.

Mais porter des perruques c'est le truc le plus horrible qui existe haha.

La révélation

Globalement, ce que cette expérience m’a appris plus qu’autre chose, c’est qu’il faut tester les choses qui nous attirent pour savoir si elles nous plaisent ou pas.

Parce que, depuis pas mal de temps, je me demande si j’ai envie d’être acteur, ou bien peut-être danseur en compagnie, ou bien éventuellement réalisateur. Tous ces métiers m’attiraient de près ou de loin.

Mais le fait d’avoir vu l’industrie de l’intérieur et de l’avoir testée pendant deux semaines, je me rends compte que tous ces éléments-là, c’est des fantasmes de mon ego parce que ce sont des rôles qui sont bien vus peut-être dans la société, qui te donnent un rôle enviable par plein d’autres.

Parce que tu es une sorte de star.

Cependant, ce n’est pas du tout la vie que j’ai envie d’avoir au quotidien. J’aurais vraiment l’impression de gâcher mon talent et ma vie que de faire ça pour moi.

Conclusion

Donc voilà, je suis reconnaissant d’avoir pu vivre cette expérience grâce à mon master et d’avoir pu mettre une croix franche, sans aucun regret, sur le fait de ne pas devenir danseur en compagnie, acteur de cinéma ou autre.

Parfois, les expériences les plus désagréables sont celles qui nous apprennent le plus sur nous-mêmes.

Elles nous permettent de distinguer entre ce que notre ego désire et ce que notre âme cherche vraiment.

Belle journée, Eliott