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BILAN : 4 Mois de Master en Danse Contemporaine à Londres

Il y a 5 mois, j'ai pris une décision qui a bouleversé ma vie : quitter mon entreprise, l'écolieu que je cofondais, et partir faire un master en danse contemporaine à Londres. Une décision terrifiante à l'époque - j'avais 12 personnes dans l'équipe d'Atomic et des projets de développement pour notre écolieu. Surtout, cela faisait plus de 4 ans que je n'avais pas dansé professionnellement.

Aujourd'hui, après 4 mois intensifs à la London Contemporary Dance School, je réalise à quel point cette expérience m'a transformé, tant dans mon rapport au corps que dans ma compréhension de l'art et du mouvement.

De l'Opéra de Paris à la Danse Contemporaine : Un Changement de Paradigme

Mon parcours en danse a commencé à l'Opéra de Paris, où l'approche était centrée sur la forme. L'objectif ? Atteindre la perfection technique, reproduire des mouvements codifiés avec précision. Un battement à la seconde devait être parfaitement aligné, comme dans l'homme de Vitruve de Léonard de Vinci.

Les professeurs corrigeaient depuis l'extérieur : "Monte plus ta jambe", "Plus en dehors", "Pointe plus le pied". Cette méthode créait inévitablement des tensions. En essayant de répondre à ces demandes sans comprendre l'anatomie profonde, on finit par forcer, contracter les muscles inutilement, perdre sa respiration.

Le résultat ? Un corps enfermé dans des patterns, un robot qui répète des séquences préenregistrées. Même en improvisant, je ne faisais que reproduire ce qu'on m'avait appris.

La Révolution du London Contemporary Dance School

En arrivant à la LCDS, j'ai découvert une approche radicalement différente. Ici, la forme n'est qu'accessoire. L'objectif est de former des "performers" complets, capables de s'adapter à tous les styles et univers chorégraphiques.

La danse contemporaine est probablement la discipline la plus exigeante qui soit. Un danseur doit être capable de :

La Force par l'Organisation, pas par la Contraction

Ma première grande découverte a été de comprendre que la vraie force ne vient pas de la contraction musculaire, mais de l'efficience dans l'organisation du corps et du squelette.

C'est comme en arts martiaux : le débutant pousse de toutes ses forces sans effet, tandis que le maître utilise une force musculaire minimale pour un impact maximal. En danse, forcer un mouvement crée de la tension, déstabilise, et produit une qualité de mouvement peu agréable à regarder.

La clé ? L'ancrage. Il faut ressentir la gravité et laisser cette force traverser librement notre squelette. Quand on trouve cette connexion avec le sol, cette présence ancrée, on accède à une liberté de mouvement extraordinaire. Les jambes peuvent s'élever sans effort, le corps devient stable dans les mouvements les plus complexes.

Cette découverte dépasse largement le cadre de la danse. Lorsqu'on trouve cet ancrage, on accède à ses émotions, à sa joie de vivre, à sa sensibilité artistique. On devient plus vivant.

Le Mental et le Flow dans la Danse

Le plus grand défi que j'affronte quotidiennement est la bataille entre le flow et le mental. En dansant seul, je peux facilement atteindre cet état de flow où je suis totalement immergé dans le mouvement, connecté à mes sensations, presque en transe.

Mais devant les autres, une part de ma structure égotique prend le dessus - celle qui a peur d'être jugée, d'être vulnérable. Cette peur déclenche un flot de pensées : "Je ne suis pas assez bon", "Les autres dansent tellement mieux", "Je vais retarder le groupe". C'est le default mode network qui s'active, ce mode par défaut de notre cerveau qui nous maintient dans nos schémas habituels de pensée et de jugement.

À l'opposé se trouve le direct experience network, cet état où nous sommes pleinement dans l'expérience présente, sans jugement, comme en méditation profonde ou en état de flow. C'est là que la vraie danse émerge.

La Visualisation comme Outil de Transformation

Pour gérer cette dualité, j'ai travaillé avec un coach qui m'a aidé à développer une technique de visualisation puissante. Le processus est le suivant :

  1. Je me visualise dans mon état bloqué : petit, entouré de bleu, froid, craintif
  2. Puis dans mon état optimal : expansif, entouré d'orange doré, fluide, connecté à une énergie cosmique
  3. Je me répète "Tu peux y aller"

Cette phrase simple, associée à la visualisation, est devenue mon ancre. En répétition, quand je sens le mental prendre le dessus, je peux revenir à cet état de flow en quelques respirations.

Les Clés d'une Bonne Improvisation

Après ces mois d'exploration, j'ai identifié trois éléments essentiels pour une improvisation réussie :

  1. L'État de Disponibilité
    • Être ancré au sol
    • Avoir un corps organisé sans tensions superflues
    • Maintenir une connexion à la gravité
  2. L'Écoute Totale
    • Développer une conscience diffuse et libre
    • Éviter toute focalisation excessive
    • Rester ouvert à ce qui émerge
  3. La Confiance dans l'Intelligence du Corps
    • Le corps sait danser naturellement
    • Il comprend intuitivement quand ajouter du rythme ou de l'émotion
    • Notre rôle est de ne pas interférer avec cette intelligence naturelle

L'Expérience de la Scène

Récemment, j'ai participé à un spectacle intitulé "Mokita" avec le chorégraphe Dixon MBI. Le thème était "la chose que tout le monde connaît mais dont personne ne parle". Pour moi, c'était la solitude existentielle - cette solitude profonde que nous ressentons tous et que nous essayons de combler de diverses manières.

Être sur scène avec 15 autres danseurs, dans une concentration absolue, connectés à la musique et au public, a été une expérience transcendante. C'était ma première vraie expérience de ce qu'est l'art de l'interprétation, au-delà de la simple représentation.

Cette expérience m'a donné le courage de me lancer dans un nouveau défi : je prépare mon premier spectacle solo pour le 1er mars 2025 à Paris. C'est terrifiant, mais je sens que c'est le chemin que je dois suivre. Comme dans ma pratique quotidienne, il est temps de me dire "Tu peux y aller" et de faire ce saut dans l'inconnu.

L'art de la danse, comme toute pratique artistique profonde, nous invite à embrasser la vulnérabilité, la sensualité et la sensibilité de l'existence dans le présent. C'est un chemin de transformation continue, tant physique que spirituel.

💡
Pour terminer cet article, je vous rappelle que vous pouvez venir me voir en spectacle le 1er mars 2025 à paris, toutes les infos sont sur cette page : https://my.weezevent.com/eliott-geoffrey

Merci pour votre lecture,
Belle journée,
Eliott.

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