Le design intégral

Il y a quelques mois, j’ai fait un coliving avec 3 potes entrepreneurs.
Parmi ces 3 potes, il y avait Benjamin Issenmann.
Ce gars est un artiste fou !

Il a fondé sa boîte Supercreative avec laquelle il monte de dizaines de projets chaque année pour aider les créatifs à vivre de leurs projets.
Et surtout, c’est, et de loin, le meilleur designer que je connaisse.

Alors pendant la semaine, je lui ai demandé de me donner tous ses conseils sur le design.
Et ce qu’il m’a appris m’a réellement bouleversé.

En fait, ce qu’il m’a dit se résume en 2 phrases :

  1. La première utilité du design est d’apporter de la clarté.
  2. La seconde est de ravir notre création.

C’est tout.
Tout le reste ; les couleurs, les typos, les espaces, etc.
Ce ne sont que des outils pour nous permettre d’accomplir ces 2 fonctions.

Cette définition m’a tellement parlée que j’ai voulu aller plus loin et creuser la réflexion en me demandant : Qu’est-ce qu’un bon design ?

Et justement, c’est le sujet de cet article.

Le design intégral

Pour cet essai, j’ai choisi de noter un design sur 4 grands axes.

  • Clarté
  • Inspiration
  • Éthique
  • Systèmes

Ou plus concrètement, un objet bien designé est un objet qui :

  • Remplit avec le plus de clarté possible la fonction que l’on lui a définit.
  • Ravit notre action quand on l’utilise. On se sent inspiré, enchanté.
  • Assure son fonctionnement en détruisant le moins de ressources possible.
  • A un système de distribution et de production optimisé.

Je vais maintenant couvrir chaque point un par un.

La clarté

Un bon design remplit avec clarté la fonction que l’on lui a définit.

La première étape du design est de définir l’utilité et l’intention de ce que l’on designe.
Par exemple pour un site web :

Je veux que les gens comprennent qui je suis rapidement et puissent trouver tous mes projets sur une seule page.

Une fois cette intention définie, la première mission du designer est de se demander :

« Comment puis-je remplir cette fonction en étant le plus clair possible pour l’utilisateur ? »

Pour l’exemple du site web, voici le processus que Ben m’a recommandé pour le construire avec le plus de clarté possible :

  1. Commencer par les textes, sans mise en forme. C’est dans ces derniers que 80% de l’information se trouve. Il faut absolument qu’ils soient clairs.
  2. Prendre un papier et un crayon et commencer à dessiner rapidement la disposition des différents éléments. L’idée est de commencer sans barrière technique et sans distraction pour se concentrer sur l’essentiel : créer une structure claire.
  3. Reproduire la maquette papier sur Whimsical ou Miro. L’idée est maintenant de reproduire la maquette sur ordinateur, dans des logiciels de « wireframe » qui sont très simples. Vous ne pourrez pas mettre de couleurs ou d’animations complexes et c’est parfait !
  4. Puis seulement à ce moment là, commencer à créer la maquette sur un outil comme Figma, pour choisir les polices, les couleurs et les éventuels effets.

Comme vous pouvez le voir avec ce processus,
Les 3 premières étapes assurent la fonction première du design : la clarté.
Et la deuxième étape : ravir, vient seulement à la fin.

Je n’ai pas parlé du processus créatif d’incubation à effectuer en amont,
Mais avant de se lancer dans le protocole ci-dessus, il est évidemment indispensable de travailler sur son projet en slowburn en collectant des inspirations (dans un logiciel comme MyMind par exemple).

L’inspiration

Un bon design ravit notre action quand on l’utilise. On se sent inspiré, enchanté.

La clarté d’un design est un élément que nous pouvons tous observer et noter de l’extérieur.
En revanche, sa « beauté » est quelque chose que nous ressentons chacun individuellement.

C’est souvent le second paramètre qui nous vient quand on utilise un design.
Si on reprend l’exemple d’un site, on se dira d’abord :

  1. C’est très clair, je comprends directement et j’arrive à l’information à laquelle je voulais parvenir rapidement (clarté)
  2. Puis on enchaîne en se disant, « Wouah ce site est magnifique, il me donne vraiment envie d’acheter un de leur produit » (inspiration).

L’idée avec cette seconde phase est donc de se demander ce que notre design doit inspirer aux personnes qui le regardent.
Une des approches pourrait donc être d’injecter les valeurs de la marque ou de la personne dans le design.

Par exemple, j’adore ce site : Derek Sivers

D’abord je le trouve super clair.
Ensuite, je le trouve super congruent avec la personne qui le tient (Derek Divers),
Et enfin, il m’inspire un calme et une simplicité à laquelle j’aspire.

Le gars s’en fiche des chiffres et des statistiques, il veut simplement vivre sa vie tranquillement en publiant ses idées.
Évidemment cette impression m’appartient et elle résonne avec moi d’une manière particulière,
Mais avoir un design congruent avec son identité permet d’attirer les clients que l’on veut avoir.

Si on prend un côté plus matériel,
Je suis fan de l’architecte Tadao Ando, que Bruno Marion m’a fait découvrir.
Chacun de ses designs est épuré, mais évoque quelque chose.
Il sait jouer avec les éléments pour m’inspirer.

J’aime également beaucoup les designs de Philippe Starck,
En particulier ce nouveau projet de maisons pré-fabriquées (j’ai très envie de m’en acheter une) :

Ou encore cette boîte qui construit des éléments de notre quotidien, mais très bien : Andreu World – Sustainable Design. Manufacturing Culture – Andreu World

Tous ces designs m’inspirent et je pense me reconnaître dans chacune des intentions des designers.
Vous vous reconnaîtrez peut-être dans les travaux d’autres artistes, mais je pense qu’une chose nous mettra tous d’accord.

Les bons designers ont des intentions claires derrière leurs oeuvres et cela nous inspire.
Les designers qui ne font que suivre des trends pour être à la mode créent des oeuvres qui ne durent pas (exemple le plus récent : le nouveau redesign de laredoute.com que je trouve déplorable).

L’éthique

Je vais expliquer ce point avec un exemple : les voitures.

À l’époque, les voitures étaient très sommaires.

Et puis, on a augmenté la capacité et l’efficacité de nos moteurs.
Alors on s’est dit, que c’était chouette, car pour la même consommation, on va pouvoir augmenter l’équipement que l’on met à l’intérieur.

Alors on a renforcé le confort, les élements de design superflus, souvent en oubliant même de commencer le design par la clarté.
Donc le poids des voitures a augmenté.

En effet, la clio 1 ci-dessus ne pesait « que » 800kg,
Contre 1200kg pour une nouvelle clio 5 !

De ce fait, bien que les innovations aillent dans le sens de l’écologie,
On compense ce gain par l’ajout d’équipements supplémentaires,
Ce qui fait que la consommation reste le même, voire augmente en 30 ans d’innovations !

Ce design n’est à mon sens, pas du tout intégral,
Car il ne prend pas en compte l’éthique environnementale.

L’éthique environnementale

Ma vision de l’éthique environnementale est assez simple, elle me vient du livre « Integral Ecology« .

Nous sommes tous des holons (des tout-partie).
En tant qu’humains par exemple, nous sommes un ensemble de cellules (un tout).
Mais nous sommes également une partie d’un tout plus grand (la biosphère, le kosmos, etc.)

Une voiture, c’est pareil ; c’est un tout (un ensemble de parties), mais la voiture fait également partie, comme nous, d’un écosystème plus grand.
Partant de ce constat, l’éthique est simple :

Je me maintiens fonctionnel en détruisant le moins de profondeur possible autour de moi.

C’est par exemple ce qui me pousse à être végétarien.
Je me maintiens en vie en mangeant (c’est mon droit).
Mais j’essaye de détruire le moins de profondeur autour de moi en le faisant.

Or comme une carotte crie moins fort qu’un poulet, je vais essayer de minimiser mon impact en ne mangeant que des végétaux.

Pour moi, ça devrait être pareil pour chaque design :

  • Un design a une fonction
  • Il doit la remplir en consommant les ressources dont il a besoin pour la remplir
  • Et pas plus.

Ainsi, pour l’exemple de la voiture ; le but est de se déplacer confortablement et en sécurité.
Alors, le designer devrait se demander :
« Comment je peux faire pour que ma voiture consomme le moins d’énergie possible tout en assurant sa fonction ? ».

Et cette réflexion s’étend également aux externalités de l’usage.
Par exemple : comment faire en sorte que la pollution émise ne tue personne ?

Il faut également garder en tête que tout le monde est designer aujourd’hui !
En effet, vous designez votre alimentation, vos voyages, votre lieu de vie, etc.
Et je vous invite à garder en tête cet axe de réflexion la prochaine fois que vous designez quelque chose : un projet ou votre vie.

Les systèmes

La dernière choses à garder en tête sont les systèmes.
En effet, il faut toujours se rappeler que chaque élément aujourd’hui est interconnecté avec de nombreux autres éléments.

Ainsi, un design complet s’interroge sur les matériaux qu’il va utiliser et leurs méthodes de fabrication.
Il s’intéresse également aux moyens de distribution qu’il va utiliser, au moyens logistiques.

Cela vaut d’ailleurs aussi pour un produit numérique.

  • Quel hébergeur allez-vous utiliser ? Utilise-t-il des énergies renouvelables ?
  • Quelle technologie utilisez-vous pour percevoir les paiements ?
  • Est-ce que le tracking par Google Analytics et Facebook Pixel est pertinent ?

Le marketing

Enfin dans la partie systèmes, le design ne doit surtout pas être dissocié du marketing,
Car les 2 disciplines (le design et le marketing), sont en réalité les 2 faces d’une même pièce.

Les 2 commencent en se demandant :

  • « Quel problème vais-je résoudre ? »,
  • « Dans quelles situations mes clients rencontrent-ils ce problème ? »,
  • « Quelle est la meilleure manière de le résoudre ? »,
  • etc.

Ensuite le design prend les réponses à ces questions pour construire le produit
Tandis que le marketing prend les réponses à ces questions pour créer des histoires qui donnent envie de l’acheter.
C’est pourquoi un design intégral connaît déjà les méthodes marketing qu’il veut utiliser.

Et j’irai même plus loin en disant qu’un CEO doit être le designer et le marketeur de son entreprise s’il veut faire un impact (Steve Jobs).

Conclusion

Voilà où en sont actuellement mes réflexions sur le design.
Relisant mon article, je me dis que les bons designers sont très rares,
Et que ce sont de bons designers dont le monde a besoin.

On n’a pas besoin de webdesigners qui ne savent que faire des sites épileptiques pour être dans la tendance.
Mais on a besoin de designers avec une vision et des compétences.

Sur ce, je vous souhaite une excellente journée,
Eliott.